Pas de quoi se réjouir comme le fait le ministère des Armées des bons résultats obtenus en 2016 qui permettent à la France de conserver sa place de second — derrière les États-Unis — sur le podium des exportateurs mondiaux !

Car sur les 7,1 milliards d’euros d’armements livrés durant l’année 2016, l’Arabie saoudite (1 milliard d’euros) et l’Égypte (1,3 milliard) se taillent la part du lion ; ces deux pays représentent 34 % du total des livraisons. Le précédent gouvernement a donc intensifié les livraisons d’armes à ses deux clients principaux l’année-même où ils s’enlisaient au Yémen et où les accusations de crimes de guerre (bombardement de civils et blocus maritime qui prive la population de vivres et de médicaments) pleuvaient à leur encontre. Il n’est donc pas étonnant que parmi les licences accordées en 2016 aux États membres de la coalition arabe — annonciateurs de potentiels contrats —, figurent les catégories de matériels comprenant bombes, missiles, canons et aéronefs.

« La France souhaite faire œuvre de la plus grande transparence », affirme le rapport (p. 29). Nous en sommes encore loin ! Seuls le montant des licences est répartis par catégories, ce qui correspond en fait aux appels d’offres et non aux commandes ou aux livraisons réalisées, dont nous ne connaissons que le montant global. Ce qui limite singulièrement la possibilité pour les parlementaires d’exercer le contrôle des armes exportées…

Un zèle des autorités sans limite

2016 fut aussi l’année du passage en première lecture à l’Assemblée nationale — 10 ans après son adoption par le Sénat ! — du projet de loi gouvernemental permettant de sanctionner la violation des embargos. Les députés l’ont considérablement renforcée, au grand dam du précédent gouvernement qui a ensuite bloqué le texte.
Peut-on attendre des signaux plus favorables de la part de la nouvelle présidence ? C’est mal engagé : le rapport 2016 — contrairement au rapport 2015 — a été expurgé de toute référence aux projets de lois sur la violation des embargos et sur le contrôle des intermédiaires, qui permettraient judiciairement de renforcer la lutte contre les trafiquants d’armes.

On nous signale juste en passant que «  la violation d’un embargo est une violation de prohibition et constitue de ce fait un délit  » ; une formule polie pour enterrer un texte qui dérange et piétiner le travail des parlementaires qui l’ont soutenu à une très large majorité (du Front de gauche à l’UDI).

Au camouflet subi par les députés et la société civile, répond logiquement l’immunité quasi-totale accordée aux industriels. Car selon les données publiées dans le rapport au Parlement, seuls 6 % des cas d’infraction aux règles d’exportation d’armes ont donné lieu à une dénonciation au procureur, l’immense majorité des contrevenants (61 %) voit leur procès-verbal classé sans suite, échappant même au simple rappel à la loi effectué pour seulement 28 % des contrevenants…

Or, pendant que la France s’éloigne toujours plus de ses « idéaux », d’autres pays européens s’interrogent, comme par exemple, la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni… La Suède va même jusqu’à faire son autocritique. Le 27 juin dernier, un accord a été trouvé entre le Parlement et le gouvernement suédois pour interdire les ventes d’armes aux pays non-démocratiques, quand bien même la société Saab réalise des bénéfices substantiels auprès des pays du Golfe.

Le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, souhaite un renforcement des pouvoirs de contrôle des élus sur l’activité du gouvernement… Voilà une belle occasion de le mettre en œuvre !