En effet, le 12 mars dernier, M. Laurent Fabius recevait l’Observatoire des armements ainsi que les ONG pour affirmer la volonté de la France d’obtenir «  un traité robuste, juridiquement contraignant et associant les principaux acteurs du commerce de l’armement ». Le ministre des Affaires étrangères a également réaffirmé «  la prise en compte des droits de l’Homme et du droit international humanitaire dans le traité ».

Quelques heures à peine après avoir reçu les ONG, M. Fabius demandait — conjointement avec la Grande-Bretagne — la levée de l’embargo de l’Union européenne sur les armes vis-à-vis de la Syrie, tout en annonçant, qu’à défaut de l’unanimité requise à l’Union européenne pour lever cette mesure, Paris et Londres prendront la décision de livrer des armes aux rebelles. Car la France «  est une nation souveraine », a précisé le ministre, faisant fi de ses engagements, notamment de la Position commune de l’Union européenne sur les transferts d’armes qui interdit de telles livraisons.

«  Il s’agit du plus mauvais signal qui pouvait être donné, car justement le Traité sur le commerce des armes est destiné notamment à empêcher que des armes soient livrés aux belligérants d’un conflit en cours… Il vise à responsabiliser les États pour éviter une dissémination sans contrôle des armes  », déclare Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements.

Il fut un temps où M. Fabius pouvait affirmer que « notre doctrine est claire : quand la France vend des armes, elle veille à ce que celles-ci ne puissent pas être retournées contre les peuples ». En livrant des armes directement aux Syriens, non seulement la France alimente la guerre civile, mais elle dissémine également des armes qui pourront ensuite atterrir entre les mains de « groupes terroristes », comme ce fut le cas de celles livrées par la France en Libye il y a quelques mois…

Plusieurs États ne veulent pas d’un traité sur le commerce des armes contraignant venant limiter leur liberté de manœuvre. Par son attitude, la France encourage la signature d’un traité symbolique qui ne permettra pas de réduire le nombre d’armes en circulation et la violence subie par les populations. Mais qui permettra seulement d’organiser la concurrence entre les principaux États vendeurs.

La France — qui selon le SIPRI maintient son quatrième rang mondial d’exportateur de matériel militaire — devrait cesser de jouer à l’apprenti sorcier.